Rencontres littéraires au lycée Doisneau

J’ai eu le plaisir d’animer au mois de mai plusieurs rencontres littéraires avec des classes de seconde du lycée Robert Doisneau.

L’idée étant partir du thème « S’inventer une vie », inspiré de mon roman « La Mélody du bonheur », co-écrit avec Anne Loyer et publié chez Alice Éditions, pour bâtir un début de nouvelle commune. Charge ensuite aux élèves de la terminer en binôme.

Et que dire, sinon bravo à ces élèves dont j’ai découvert ensuite le formidable travail ! Je ne peux malheureusement en publier ici que quelques-unes, mais je tiens vraiment à tous les féliciter et à les remercier de leur implication, ainsi que leurs professeurs de français, Jocelyne Lhotellier et Jean-Patrick Géraud.

PS : Ayant travaillé avec plusieurs demi-groupes, il y a donc plusieurs débuts de nouvelles.

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Le destin brisé (par Layana Moukalla et Sylvia Skinsi)

Son odeur m’apaise, blotti contre ma poitrine, je sens son petit cœur battre. Son doux regard innocent m’attendrit. Je me sens si fière de lui avoir donné la vie ! Nous ne faisons plus qu’un. Je sens des regards posés sur moi. Pourquoi me fixent-ils ? Gênée, je préfère baisser la tête.

Il s’agite, ses yeux se remplissent de larmes. Peut-être a-t-il faim ? Je marche, je marche, à la recherche d’un abri. Les pleurs se font plus forts, j’essaye de le rassurer, mais en vain. J’accélère le rythme. Mon stress prend le dessus. Il va mal, c’est de ma faute…

L’atmosphère se fait pesante, le ciel s’obscurcit. J’arrive dans une sombre ruelle. Autour de moi, la foule m’oppresse. J’essaie de m’échapper, tout en le serrant contre moi. Une lumière m’attire au loin. Ses pleurs incessants me poussent à malmener les passants pour me frayer un chemin. Ils m’ignorent. Un homme nous bouscule :

– Poussez-vous, poussez-vous ! Vous allez nous faire mal !

L’homme me regarde, étonné, et me dit :

– Qui ça, nous ?

Je ne réponds pas. Il est aveugle ou quoi ? Je lui lance un regard noir et m’éloigne. Une mère allaitant son enfant sur un banc attire mon attention. Je m’assois près d’elle :

-Bonjour, qu’est-ce qu’il est beau votre bébé ! Quel âge a-t-il ?

-Neuf mois !

-Le mien aussi !

-Mais où est-t-il ?, demande-t-elle.

A ces mots, je fonds en larmes. La réalité me rattrape.

Voyant que sa question m’émeut, elle décide de se présenter à moi :

  • Je m’appelle Chloé, désolée si ma question t’a blessée, ce n’était pas mon intention. Tu veux un mouchoir ?, dit-elle.

Elle cherche alors dans son sac de quoi sécher mes larmes tout en maintenant son nourrisson contre elle. Chloé brandit vers moi un mouchoir que je porte directement à mes joues. Mon maquillage a coulé, je ne ressemble plus à rien.

  • Et toi, comment te nommes-tu ?
  • Je… m’appelle Emma, lui répondé-je avec une faible voix.
  • Tu as l’air tourmentée… Je pense que te confier à moi te fera le plus grand bien.

Je suis soudainement prise d’une crise d’angoisse. Je peine à distinguer le monde qui m’environne, une sensation horrible m’empêche de lui répondre, ma respiration s’intensifie. Je tente de dissiper cette anxiété en me concentrant sur ma respiration.

Elle est morte… C’est de ma faute.

Je marmonne :

  • C’est compliqué… Cela remonte à très loin.

Peu de personnes sont au courant de ce qui m’est arrivé. Me confier à une inconnue me semble impensable à faire. Je souhaite oublier tout ce qui s’est passé. Me remémorer ce sombre souvenir ne ferait qu’accentuer ma tristesse, mon désespoir. Néanmoins, Chloé est une mère, m’ouvrir à elle pourrait panser mes plaies. En regardant son bébé, je suis plongée dans un état de mélancolie.

Un an auparavant…

Je suis allongée sur le canapé mais mon ventre arrondi ne me permet pas d’être à

l’aise. De temps à autre, il m’arrive de ressentir des coups de pied insupportables. Cependant, je suis comblée d’allégresse à l’idée d’être maman, mon rêve est sur le point d’être accompli. Pendant plusieurs années, mon copain et moi avons essayé d’avoir un enfant, de fonder une famille. Enfin ! Dieu merci. Nous sommes remplis d’enthousiasme d’attendre cet heureux événement. Lors de la dernière échographie, le gynécologue nous a annoncé que l’être que je porte est une fille. La chambre du bébé est finalement prête. La pièce est recouverte d’un papier peint rose bonbon où des fées sont représentées.

Tout d’un coup, je ressens une atroce douleur. Je crie à l’aide pour que mon

copain vienne me secourir. Il accourt auprès de moi et cherche à en savoir plus sur

ma souffrance. Mes yeux sont grands ouverts, des larmes perlent sur mon visage. Mon corps

ne réagit pas aux mouvements que je tente de faire.

  • Aide-moi, je t’en supplie !

Arrivés à l’hôpital, un médecin remarquant mon état de fébrilité me prend directement

en charge. Il m’emmène dans une chambre et m’examine. Carl reste à côté de moi. Après

quelques instants, je remarque que l’expression du docteur change. Je lui demande alors

avec inquiétude :

  • Qu’est-ce qui se passe ? Mon bébé est-il vivant ?!

Carl lâche subitement ma main. Le médecin m’annonce alors l’impensable. Mon rêve est en train de s’effondrer.

  • J’ai la mauvaise nouvelle de vous faire savoir que votre enfant est décédé, je suis désolé, déclare-t-il.

De retour à la maison, je vois que Carl se dirige vers notre chambre et fait ses valises.

Dans l’incompréhension totale, je l’interroge. Il me rétorque qu’il en a marre de cette

situation, de mon infertilité. Pour lui, je ne suis qu’un fardeau. Je pensais pourtant que

l’arrivée de cet enfant pourrait consolider notre relation et faire de moi une femme

comblée. Pourquoi cela n’arrive t-il qu’à moi ? Qu’ai-je fais de mal ? Je suis victime d’une

injustice. On m’a déposséder de mon unique chance de devenir une mère…

Aujourd’hui…

  • Emma, t’es là ? Tu n’es pas obligée de tout me raconter tu sais.

Je lui relate longuement dans les moindres détails mon histoire. A certains moments, je pleure et il m’arrive de m’arrêter dans mon long récit tant les émotions me submergent. Malgré ça, je suis ravie de partager mon lourd passé avec une personne aussi compréhensive que Chloé.

  • J’ai commencé à me balader avec cette poupée pour combler le vide qui me pèse. Elle me permettait de me sentir mieux. Mais, petit à petit, j’ai perdu toute notion de la réalité. Elle se nomme Eléna car c’est le nom que je souhaitais donner à ma fille. A l’époque, je n’avais personne pour m’épauler. Ça peut paraitre idiot mais j’avais l’impression que seule cette poupée pouvait m’empêcher de sombrer dans la dépression. Mon copain n’avait aucune compassion à mon égard. Après seulement quelques jours, il a décidé de mettre un terme à notre relation, jugeant que je n’étais pas assez bien pour lui.

Elle me dit :

  • Il m’est arrivé la même chose il y a de nombreuses années. J’étais avec mon copain depuis environ deux ans. Nous avions comme toi l’ambition de créer la famille de nos rêves. Hélas, j’ai découvert que j’étais atteinte d’endométriose, une maladie qui touche une femme sur dix. J’étais anéantie et je pensais mon rêve brisé. Contrairement à toi, j’avais mon chéri sur lequel je pouvais compter. A ta place, je n’aurais pas su remonter la pente.

Cholé me tend son enfant puis s’exclame :

  • Tu ne dois pas perdre espoir, ton jour viendra ! La vie est longue et pleine de surprises.

Sur ces paroles, je regarde Eléna. Il est temps de retrouver espoir et de cesser cette mascarade. Je décide donc de me séparer de ce mensonge créer de toutes pièces.

  • Je te remercie. Tu m’as redonné la joie de vivre et ton témoignage va me permettre d’aller de l’avant.

FIN

 

Elles sont 200 000 par an… (par Keren Ngalula et Karine Safaryan)

Son odeur m’apaise, blotti contre ma poitrine, je sens son petit cœur battre. Son doux regard innocent m’attendrit.  Je me sens si fière de lui avoir donné la vie ! Nous ne faisons plus qu’un. Je sens des regards posés sur moi. Pourquoi me fixent-ils ? Gênée, je préfère baisser la tête.

Il s’agite, ses yeux se remplissent de larmes. Peut-être a-t-il faim ? Je marche, je marche, à la recherche d’un abri. Les pleurs se font plus forts, j’essaye de le rassurer, mais en vain. J’accélère le rythme. Mon stress prend le dessus. Il va mal, c’est de ma faute…

L’atmosphère se fait pesante, le ciel s’obscurcit. J’arrive dans une sombre ruelle. Autour de moi, la foule m’oppresse. J’essaie de m’échapper, tout en le serrant contre moi. Une lumière m’attire au loin. Ses pleurs incessants me poussent à malmener les passants pour me frayer un chemin. Ils m’ignorent. Un homme nous bouscule :

– Poussez-vous, poussez-vous ! Vous allez nous faire mal !

L’homme me regarde, étonné, et me dit :

– Qui ça, nous ?

Je ne réponds pas. Il est aveugle ou quoi ? Je lui lance un regard noir et m’éloigne. Une mère allaitant son enfant sur un banc attire mon attention. Je m’assois près d’elle :

-Bonjour, qu’est-ce qu’il est beau votre bébé ! Quel âge a-t-il ?

-Neuf mois !

-Le mien aussi !

-Mais où est-t-il ?, demande-t-elle.

A ces mots, je fonds en larmes. La réalité me rattrape.

Cette réalité est bien trop dure à accepter, car elle me rappelle que j’ai renoncé à devenir mère. La femme me demande ce qu’il m’arrive mais comment lui avouer l’inavouable, j’ai honte, la culpabilité me ronge. Malgré ce sentiment destructeur, l’envie de me confier à une personne prend le dessus.

– C’est ma faute, c’est ma faute ! Mes larmes ne cessent de couler.

– Calmez-vous, je vous en prie, dites-moi ce qu’il vous arrive…

– Je l’ai tué.

La mère recule, son regard change. Je ressens même la peur qui l’envahit. Prise de panique, je cours de plus en plus vite, de plus en plus loin. Je souhaite juste m’échapper de cette dure réalité qui ne cesse de me poursuivre…

J’arrive enfin chez moi. Je me dirige directement vers ma chambre, mais avant d’entrer, je m’assure de sécher ces larmes. Je m’efforce de les remplacer par un sourire, j’aspire profondément et je pousse la porte. Je vois mes petits-frères jouer. Les cris de ma mère au loin m’appellent, donc je me dépêche de l’aider à servir la table. Je l’aime et ça me tue de lui mentir, de devoir jouer un double jeu, mais je n’ai pas le choix, car elle ne peut pas me comprendre.

La réaction que je redoute le plus est sûrement celle de mon père, un homme dur mais bon, pour qui l’honneur de la famille importe plus que tout. C’est moi, jeune femme de 21 ans, qui doit préserver cet honneur. Une pression énorme repose sur mes épaules. Je suis fatiguée de me cacher et de leur mentir sans cesse, mais il le faut. Le lendemain matin, les pleurs du petit me réveillent. Je me lève en sursaut, à moitié endormie, et là un silence règne dans la pièce…

J’arrive dans la cuisine et je vois ma mère, ses yeux larmoyants me questionnent. Elle me dévisage. En baissant la tête, je vois avec horreur un test de grossesse marqué positif dans ses mains. C’est le mien. Je me décompose. Ma mère s’approche tout doucement vers moi, elle me regarde dans les yeux et me dit :

– Dounia ma fille, dis-moi que ce n’est pas le tien…

Face à la situation je ne peux qu’avouer, mais je ne peux plus parler. Je suis paralysée. Je tombe alors à terre à ses genoux en m’accrochant à ses pieds.

– Pardonne-moi mama, pardon !

Je lève les yeux vers elle à la recherche de compassion ou de pitié. Mais je ne trouve que dégoût et tristesse. Ces quelques mots sont dévastateurs :

– Tu es fini ma fille, tu es une honte pour ta famille, tu n’as plus aucune chance de trouver un mari, quel homme voudra d’une traînée enceinte hein ?

Ce qu’elle me dit est sans doute vrai. Depuis petite je n’ai entendu qu’un seul discours. On me disait : « Ne t’approche pas des hommes, tu pourrais tomber amoureuse », « Ta virginité est la chose la plus précieuse que tu possèdes », « Seul ton mari peut voir ton corps », « Ne déshonore pas notre famille sinon tu seras répudiée ». Malheureusement, j’ai enfreint ces règles. On m’a inculqué que je ne suis plus rien sans mon hymen.

Soudain j’entends les pas de mon père au loin, il arrive et questionne ma mère et elle lui dit :

– Et bien ta fille est enceinte Mohamed, enceinte !

Mon père n’arrive pas à y croire alors il s’approche de moi en tremblant, prend ma main dans les siennes et me dit :

– Dounia je sais que tu n’es pas comme ça, je ne t’ai pas éduquée ainsi…

Baba*, je te jure que ce n’est arrivé qu’une seule fois, pardonne-moi.

Je n’ai pas le temps de finir ma phrase qu’il me prend par le bras et me jette dehors. Je suis anéantie, je ne veux plus que mourir. Je marche dans la rue sans aucun but. Je pleure sans m’arrêter. Les passants autour de moi me regardent avec pitié. Je me dis qu’il faut que je survive pour l’enfant que je porte en moi. Je sèche mes larmes et met mes bras autour de mon ventre pour le protéger. Je m’assieds sous un pont et reste là durant ce qui me semble être une éternité. La faim me ronge, ma tête tourne de plus en plus vite, j’essaie de me lever mais c’est un effort de trop pour un corps presque sans vie. Je tombe à terre, je perds connaissance.

Je sursaute et me réveille sur un lit d’hôpital. Pourquoi suis-je là ? Je ne me souviens de rien. Je suis dans une chambre toute blanche, sans aucun meuble ni aucune couleur. Cela m’angoisse et m’oppresse. Un médecin entre soudain dans la chambre et me dit :

– Bonjour mademoiselle, vous avez eu un malaise et un homme vous a ramenée à l’hôpital savez-vous ce qui vous est arrivé ?

– Mon enfant ! Je suis enceinte docteur. Vite sauvez-le.

Le médecin, paniqué, appelle les infirmières et ils me ramènent dans une salle d’échographie. J’ai peur. Peur de le perdre. Le médecin me regarde avec stupéfaction et me dit :

– Mademoiselle, mais vous n’êtes pas enceinte voyons, regardez l’écran, il n’y a rien dans votre ventre. Vous êtes sûre que vous allez bien ?

*Baba : papa en arabe.

Je ne peux croire que tout ça n’est qu’une illusion. Mais la réalité est face à moi et je ne peux que l’affronter. Je suis tombée enceinte par amour, par naïveté, par accident. Je l’ai tué par peur, par honte. Je n’étais encore qu’une enfant. Je me rappelle de ce jour comme si c’était hier.

J’étais assise dans une salle d’attente, j’étais frigorifiée, effrayée et seule. Je regardais sans cesse l’horloge, sachant que mon bébé allait bientôt partir. J’avais senti un coup en moi comme un rappel d’une vie. J’étais tombée dans un léger sommeil et avait rêvé d’un petit garçon qui fêtait ses trois ans. Je voyais une petite fille grandir dans un foyer heureux et devenir femme, elle me disait :

– Laisse-moi là, en entier, grande et forte, je veux encore me battre pour moi, je veux encore être une enfant, être drôle, être folle, je veux continuer de vivre.

Je lui avais répondu alors :

– Ne me crois pas égoïste, je veux encore pouvoir faire des erreurs, ne me crois pas sans cœur car c’est au prix d’une rivière de larmes et de sang que j’ai décidé que tu meurs.

J’avais soudain été réveillée par une voix c’était le médecin qui me disait :

– Ne t’inquiète pas, tu es encore jeune, on voit cela tous les jours.

J’étais couchée à plat sur le lit. Le regard perdu. Je lui avais alors demandé :

– S’il-vous-plaît, puis-je voir quelqu’un ?

Mais une femme au regard vide, entêtée me dit :

– On va faire le boulot !

Mon avortement ne se résume donc qu’à ces mots ! J’avais souffert. Énormément. La sensation était étrange. J’avais l’impression de porter la mort en moi.

Aujourd’hui, je pense que quand on tient dans son ventre un milliard de potentiels, on garde à jamais ce regret, et si je l’avais ? Je crois qu’il nous est donné à nous les femmes un pouvoir divin et qu’il est plus dur qu’on ne le pense d’y renoncer. Face à ce dilemme, tout le monde y perd.

FIN

 

Et si nous osions le bonheur ? (par Rachel Larbi)

Son odeur m’apaise, blotti contre ma poitrine, je sens son petit cœur battre. Son doux regard innocent m’attendrit. Je me sens si fière de lui avoir donné la vie ! Nous ne faisons plus qu’un. Je sens des regards posés sur moi. Pourquoi me fixent-ils ? Gênée, je préfère baisser la tête.

Il s’agite, ses yeux se remplissent de larmes. Peut-être a-t-il faim ? Je marche, je marche, à la recherche d’un abri. Les pleurs se font plus forts, j’essaye de le rassurer, mais en vain. J’accélère le rythme. Mon stress prend le dessus. Il va mal, c’est de ma faute…

L’atmosphère se fait pesante, le ciel s’obscurcit. J’arrive dans une sombre ruelle. Autour de moi, la foule m’oppresse. J’essaie de m’échapper, tout en le serrant contre moi. Une lumière m’attire au loin. Ses pleurs incessants me poussent à malmener les passants pour me frayer un chemin. Ils m’ignorent. Un homme nous bouscule :

  • Poussez-vous, poussez-vous ! Vous allez nous faire mal !

L’homme me regarde, étonné, et me dit :

  • Qui ça, nous ?

Je ne réponds pas. Il est aveugle ou quoi ? Je lui lance un regard noir et m’éloigne. Une mère allaitant son enfant sur un banc attire mon attention. Je m’assois près d’elle :

  • Bonjour, qu’est-ce qu’il est beau votre bébé ! Quel âge a-t-il ?
  • Neuf mois !
  • Le mien aussi !
  • Mais où est-t-il ?, demande-t-elle.

A ces mots, je fonds en larmes. La réalité me rattrape. Je m’éloigne de ce banc. Le cauchemar s’évapore et laisse place à la vraie vie. Je fonds de tout mon être car je ne sais pas quoi dire ou faire. Alors c’est bien réel, ce n’est donc pas une illusion… Ce manque, nul ne peut le connaitre à l’exception dune mère. Effectivement, il fait partie de moi… Mais eux ne l’ont apparemment pas compris… Je me souviens de ce jour, il est là sur mes genoux souriant, tendre, gentil et poli. Et puis cette chose arrive… Elle arrive et me l’arrache… J’essaie de le sauver, mais en vain, nul ne peut lui résister. Elle est ainsi, elle arrive, prend ce qu’il lui revient de droit, repart sans voir la peine qu’elle laisse derrière elle, et sans aucun regret.

Des vies sont alors détruites, vidées de sens, elles ne peuvent s’épanouir. Elles sont là, condamnées à vivre avec ce chagrin jusqu’à ce que cette dernière vienne les libérer. On ne peut savoir s’il s’agit d’une bénédiction ou d’une malédiction. Mais elle est bien là, nous guettant jour et nuit sans relâche. Accomplissant bravement son travail jusqu’à ce qu’elle en soit satisfaite. Ce monstre affamé d’âmes que nul ne peut arrêter.

Je ne doute pas qu’elle se régale. Chaque jour, elle prend un réel plaisir à m’éteindre à petits feux. D’ailleurs, la flamme de mon cœur est inexistante. Cette flamme qui me fait vibrer, sourire, patienter, et aimer à bien fini par me nuire. Parfois, j’entends cette flamme de vie m’interpeller …

  • Comment peux-tu accepter de vivre dans ce monde ? Es-tu réellement heureuse ? Ne veux-tu pas me tendre la main et tout oublier ? Ne souhaites-tu pas vivre dans un monde meilleur ? Que penses-tu réellement de ce monde ? Ne te répugne-t-il pas ? Tu continues de l’aimer même après tout ce qu’il t’a fait subir toi, ainsi que tes semblables ? Ne veux-tu donc pas être enfin libérée ? Le choix est entre tes mains, suis-moi, ou subi cette vie… Nous nous éteindrons ensemble.
  • Evidemment… Evidemment que je hais ce monde ! Il me répugne ! J’accepte cette fatalité, car je ne peux rien y faire du moins, j’ai peur d’agir ! Ce monstre finira bien par m’engloutir ! Je le sais ! J’en suis consciente ! Le bonheur n’a plus de sens depuis qu’il est parti ! La vie ne m’a pas épargnée ! D’ailleurs, personne ne l’a fait ! Je ne suis pas la seule qui doit subir la vie ! Certes, la liberté n’a pas de prix mais elle a bien des conséquences ! Elle nous détruit ! Nous ne sommes plus humains suite à son passage ! Je ne peux pas te suivre, même si je le souhaite ! Je ne peux te faire confiance ! Je te connais bien ! Je te connais même assez ! Je ne veux plus sentir ta présence ! Tu finis toujours par gagner j’en suis consciente ! Mais je t’en prie, laisse-moi terminer… Je t’en supplie.

Terminer…terminer pour transmettre un message…Un message pour l’humanité…Lui faire comprendre qu’elle ne peut durer sans être unie. Que sans solidarité elle ne vaut rien. Qu’elle ne peut survivre ! Qu’elle perd ses pétales et fane de jours en jours. Qu’elle se dirige vers sa fin si elle n’agit pas ! Que rien n’est plus important que l’amour ! Que l’argent n’est qu’un bout de papier sans sens ! Être heureux, n’implique pas la guerre! Que les chiffres ne nous déterminent pas ! Transmettez-leur ce message ! Dites-leur ! Dites-leur ce que je vous dis ! Regardez-les ! Admirez leur mécontentement quand on ose dire la vérité ! Dites-leur donc ce qu’ils ne veulent pas entendre ! Ils finissent par vous emprisonner ou vous corrompre ! Dites-leur alors ce qu’ils veulent entendre ! Et voyez par vous-mêmes ! Voyez par vous-mêmes leur soudaine bonté hypocrite ! Ne vous faites pas piéger ! Ne soyez pas indirectement leur esclave ! Ne vous préoccupez pas d’eux si ces derniers vous considèrent comme moins que rien ! Soyez forts, pas faibles ! Soyez heureux, pas malheureux ! Soyez une bonne personne, ne faites pas semblant de l’être ! Donnez le meilleur de vous-même ! Donnez-vous du temps, et des moyens pour réussir ! Ne restez pas bloqués sur une seule et même routine ! Osez le changement ! Osez L’espoir, le travail, les rêves ! Ne craignez rien ! Pas même ce monstre qui finit par nous dévorer ! Osez la paix …

  • Ne te rappelles-tu donc tu pas ce que tu as pu voir ? Ce que j’ai dû subir ? Ce que nous avons dû subir face à ces images ? Dis-moi donc combien de larmes coulent en ce monde ? N’as-tu pas envie quelquefois d’arracher tes yeux de ton corps pour ne peut plus avoir à me subir ? Ne plus rien voir de l’atrocité qu’est ce monde ? N’as-tu pas envie de fermer tes paupières et espérer ne plus devoir les rouvrir ? Ou es-tu devenu comme eux, ces images te paraissent banales, voire deviennent une habitude. Souhaites-tu réellement encore m’utiliser ? me dit une voix.

C’est donc bien elle qui m’interpelle… Ma vue. Que puis-je bien lui dire donc ? Qu’elle est coupable de mon bonheur mais aussi de mon malheur ? Que j’aurais préféré ne jamais l’avoir connue ? …Je ne souhaite pas lui répondre, plongée dans ce froid glacial que je ne peux éviter…Je préfère la laisser partir. Je ne veux pas la blesser. Il est préférable de garder cette pensée en moi. Lui dire que je la maudis n’est pas correct. Je la hais de m’avoir montré l’atrocité de certaines scènes qui défilent en ma mémoire. D’ailleurs elle aussi m’interpelle :

  • Te rappelles-tu donc de ton histoire ? Dis-moi, qui es-tu ? Que vis-tu ? Tu ne peux me mentir, je suis au courant de tout ! Toutes tes pensées et sentiments sont enfouis en moi ! Je suis tout pour toi ! Permets-moi donc de dérober ton temps pour que tu te souviennes… Pour que tu te souviennes de ton passé ! Laisse-moi donc te montrer des scènes ! Ferme donc ces paupières et laisse ces souvenirs t’emporter ! T’emporter loin de tout ça ! Tu vas le voir… Je te le promets… Ferme seulement tes paupières…

Epuisée par ce froid, je décide de l’écouter et la laisse m’emporter… Quel beau paysage, quelle belle maison, et puis…quelle bonne odeur… L’air est doux, il fait beau, le soleil rayonne de mille feux, les passants passent, et moi je suis ici… Toujours ici… Avec lui sur mes genoux… Personne ne me voit ou ne m’entend…pourtant je crie… Je crie ma peine… Mais nul ne s’y intéresse…Bien plus occupé à assurer leur confort qu’à aider les autres… Les laisser ainsi… Son sourire m’éblouit, quand je le vois, je ne peux que sourire… Même si tout va mal, il est là. D’ailleurs il est le seul à être à mes côtés. Ses minuscules mains me procurent une douceur immense… Je le vois, ici, sur mes genoux, mais je ne m’y attache pas… Car je le sais… Je suis consciente qu’elle va finir par me l’arracher… Je m’y prépare. Mais visiblement, cela n’arrive pas… Ma mémoire s’est donc confondue à mon imagination… Elle me montre ce que je préfère voir, même si cela est faux… Je suis là, toujours avec lui sur mes genoux…J’attends…J’attends que la réalité se manifeste. En vain, ma mémoire me paraissait menaçante, mais elle semble peu compétente par rapport à ces paroles. Je dois avouer que cette sensation me procure une certaine joie… Il est encore là sur mes genoux… Petit à petit je finis par croire qu’il s’agit de la réalité. Puis, ma mémoire prit la parole :

  • Alors qu’en penses-tu ? T’ai-je aidé à te rappeler qui tu es ? À te souvenir de ton passé ? Souhaites-tu donc continuer à vivre ?
  • Je te remercie… Tu m’as fait comprendre que rien ne sera plus comme avant…Et je le sais…Je ne connais pas tes intentions… Je ne sais pas si tu souhaites me donner de l’espoir en me montrant ces images ou me nuire bien plus… Je tombe dans ton machiavélique piège chaque jour, chaque instant… Tu as été créée pour nous rappeler ce que l’on souhaite garder…Parfois, tu vas même jusqu’à chercher au plus profond de nos cœurs. Tu connais nos faiblesses, nos tors, nos peines… Et tu t’en sers… Tu combines ces informations en collaborant avec ta tendre amie… L’imagination. Tu nous fais revivre de bons moments, espérer et rêver… Mais tu nous éloignes de la réalité qu’est cette vie. Tu essaies de nous confondre, et tu sais comment t’y prendre. Au final, tu ne vaux pas mieux qu’elle… Au fond, votre seul souhait est de nous engloutir… Je le sais… Tu ne peux me mentir. Et je ne le peux pas non plus. Car après tout nous sommes complémentaires… Je t’envoie les informations, tu les traites et les stockes… Et pour cela je te remercie… Sincèrement, lui dis-je.

Certes, ce monde est terrifiant… Je le sais, je le vois… Il est sans pitié mais aussi horriblement beau. En observant ce qui peut nous entourer… On comprend la valeur de la vie. On sait qu’il y a des personnes qui rêveraient d’être à notre place… Vivants. Même si cette dernière contient des hauts et des bas, il faut savoir se relever. Comme je le fais à cet instant précis… Je me relève et combats cette atroce douleur en prenant ce stylo et cette feuille pour vous écrire… Vous écrire tout cela… Je ne souhaite pas la richesse, la popularité ou encore l’hypocrisie des autres que vous considériez comme votre famille qui finissent par devenir des inconnus. Alors que ces derniers ont ri lorsque vous couliez et ne vous ont pas tendu la main. D’autres ont essayé de vous changer, mais il est de votre devoir de garder votre identité… Vous ne devez qu’être vous-même. Beaucoup de bouches ne disent pas la vérité. Beaucoup d’entre elles forment un sourire hypocrite et méprisant… Ne soyez donc pas de ces personnes ! Souriez devant le bonheur ! Mais ne vous taisez pas face à l’injustice ! La haine de certaines personnes, d’un mal dont vous avez été témoin ou victime ! Soyez conscient de la puissance de vos paroles ! Songez à l’impact que ces dernières peuvent provoquer sur leur destinataire ! Utilisez-les donc pour la justice et la bonté !

  • Et toi donc, m’as-tu déjà utilisé pour « la justice » et « la bonté » ? Penses-tu réellement que tes paroles ont apporté quelque chose de bon ? N’as-tu jamais rien dit d’inutile ? Ou comme tu le disais tout à l’heure, as-tu dénoncé l’injustice lorsque tu l’as vue ?, me dit ma bouche.
  • Oui, je t’ai utilisée pour essayer de rétablir la justice. Je ne pense pas avoir fait preuve de méchanceté dans mes propos. Je t’ai utilisée pour ne prononcer que les doux mots que mon enfant pouvait entendre. Tout humain dit des choses inutiles. L’humain, en soi, est inutile. Je n’ai pas parlé pour dénoncer l’injustice… Je l’ai criée ! Je l’ai criée de toutes mes forces ! J’ai criée ce qu’ils ne voulaient pas entendre ! Je l’ai criée ! Je me suis épuisée à le répéter ! Encore et Encore ! Je répète sans cesse que ce monde n’est pas normal ! Que personne ne doit connaitre la famine, la guerre, la maladie ! Que pour tous les problèmes ont une solution ! Que tout cela n’est pas normal ! Qu’il y a encore des gens qui vivent dans les rues, des bidonvilles ! Qu’il y’a des peuples qui se font bombarder à tout moment dans leurs propres pays à cause d’un pouvoir sans humanité ! Que la peine de mort ne doit plus exister ! Que personne ne doit avoir à ôter une vie humaine ! Que l’accès à l’école pour les enfants est obligatoire ! Que nulle personne ne doit connaitre l’inégalité ! Qu’un viol reste un viol ! Que l’argent ne compose pas le bonheur en ce bas-monde. Voilà ce que j’ai dit ! Mais évidemment personne ne m’écoute ! Personne ! On me prend pour une folle ! Une folle qui n’a rien compris à la vie ! Un simple déchet ! Au lieu de m’écouter, ils n’ont fait que parler…
  • Et qu’ont-ils dit ? Nous les écoutions… Certes, mais je souhaite que tu me le rappelles. M’interpelle alors l’ouïe.
  • Ils m’ont dit que j’étais folle… Que je n’étais qu’une simple femme. Que dans cette société je suis misérable. Qu’une femme ne doit pas élever sa voix contre des hommes comme j’ai pu le faire. Hélas, peu de femmes osent dire la vérité. La misogynie dont font preuve certains hommes de la société me répugne. Je ne souhaite pas t’en dire plus… Les détails sont très douloureux, lui dis-je

Même si je ne souhaite pas vous révéler mon identité, je tenais à vous raconter un extrait de ma vie. Je ne suis qu’une simple mère dont l’âme va être prise par ce monstre… Je le sens très proche… Je rejoindrai ce qu’elle m’a pris, mon fils. Je suis une femme qui a fui la guerre, et qui s’est retrouvée à la rue. Mon fils n’était même pas un choix, mais une obligation. Sa création ne fut pas faite grâce à un amour mais à cause d’un viol… Un viol commis par un homme toujours en liberté… Un homme haut placé, qui a su corrompre la justice pour sortir innocenté du tribunal… « Pourquoi ne pas avoir avorté ? » me direz-vous… Eh bien, c’est simple… Au moment où j’ai senti sa présence en moi, il est devenu une source d’inspiration et d’espoir… Une force qui me permet d’aller de l’avant, être une bonne mère et de le couvrir d’amour sans rien avoir dans les poches… Même si cela fut court, ces neufs mois à ses côtés furent inoubliables. Mais elle a fini par me l’arracher… J’aurais souhaité la connaître bien avant lui. Je souhaite remercier… Remercier toutes ces personnes dans l’ombre qui ont fait et qui font encore du mal. Ces personnes qui collaborent avec des assassins en leur vendant des armes pour nous exterminer. Ces mêmes personnes qui infligent la faim dans certains pays et attirent ce monstre. Ces bombes et ces maladies qui mènent à lui. Ce monstre qu’est la mort… Je vous en remercie… Je préfère mourir ainsi sur mon bout de carton en cette froide nuit. Je ne souhaite vous écrire qu’une dernière chose…Et si nous osions le bonheur ?
04.11.2003, signé : une inconnue à la surface du globe.

 

La troisième chance (par Léa et Florian)

Je cours. Je vois les mêmes couloirs. J’entends les mêmes cris. Devant moi, une lumière. Une sortie ? Elle m’attire. Elle semble m’appeler. Je m’y jette et j’ai l’impression que le sol s’effondre sous mes pieds.

​            Retour à la case départ.

​            Je me retrouve couchée sur mon lit dans cette chambre qui me hante. Le réveil est brutal. Les murs sont blancs, tout est blanc, il n’y a rien à part un lit et un miroir. Je me lève, mes jambes sont lourdes. Je m’approche doucement de mon reflet. Je m’observe, j’essaye de fuir la réalité. Mon regard m’emprisonne. Je suis triste mais pourtant l’image que je vois de moi est souriante. Cette ancienne version de moi m’apaise, mais pourtant elle n’est plus.

​            Le lit grince, les murs se rapprochent, je hurle tandis que le miroir vole en éclats. Je recule, je heurte le lit, ma chute ne semble jamais devoir s’arrêter.

  • Léana !

J’ouvre les yeux le cœur battant, mes draps sont trempés de sueur.

  • Viens pendre ton petit déjeuner ! Tu vas être en retard au lycée !

Choquée, frigorifiée, je vais dans la salle de bain. Le miroir est intact. Je me regarde et vois que c’est bien moi. Après une bonne douche, je vais rejoindre ma mère dans la cuisine.

  • Tu as bien dormi ?

Je me contente d’un simple oui, par peur de sa réaction.

  • Il faut que j’y aille, je vais louper mon bus.

Je remonte dans ma chambre, je tire les rideaux, tout est calme, le soleil brille. Ce serra peut-être une belle journée aujourd’hui. J’attrape mon sac et enfile ma veste en cuir.

A peine sortie dehors, je m’aperçois que j’ai oublié mon téléphone. En retournant dans ma chambre, je surprends ma mère penchée sur mon portable.

  • Tu fais quoi là ?

Folle de rage, je lui arrache le téléphone des mains.

– Depuis quelques temps on ne se parle plus, répond ma mère d’une petite voix.

  • Je n’ai plus rien à te dire.

Furieuse, je tourne les talons, mais au moment d’ouvrir la porte, je lâche un :

  • Tout ça c’est de ta faute !

​​           Finalement, cette journée est plutôt nulle… Ce matin, je rate mon bus à cause de ce qu’il s’est passé plus tôt. Josh, qui passe par chance dans la rue en moto, me récupère afin que j’arrive à l’heure au lycée. Cependant, alors qu’aucun de nous deux ne disons un mot, il me lance :

– J’ai envie de toi…

Quoi ? Mais qu’est-ce que… Je suis outrée ! Le seul mec qui avait l’air d’avoir les idées bien placées dans ce monde me lance ça d’un coup ! Je me mets à lui crier dessus, mais il ne me répond pas et se contente de me regarder comme s’il avait vu un fantôme. Nous manquons même être percutés par une voiture. Malgré le casque, tous les passants m’entendent l’engueuler.

​           – Tu me dégoûtes, je lui balance en descendant de la moto devant le lycée. Je te croyais différent des autres !

​           – Mais, je comprends rien ! Qu’est-ce qui t’arrives en ce moment ?

​           – Ne fais pas semblant, ne m’fais pas répéter. Va-t-en !

​           – Mais qu’est-ce que j’ai dit ?

En colère, je rentre au lycée, les larmes aux yeux à l’idée de perdre le dernier être qui m’est cher.

​           – Léana, parle-moi ! insiste-t-il.

​           Je n’arrive plus à suivre les cours. Ce nouveau lycée me donne la chair de poule. Il est si grand. Non. Si bruyant ! Les voix des élèves se superposent. Les voix qui raisonnent. Les voix qui ne s’arrêtent jamais. À dix heures en cours d’histoire, impossible de tenir. Je ne comprends pas. En pleine évaluation, tout le monde réfléchit à haute voix. Leur son vibre à travers les tables, à travers les murs blancs. Le professeur qui tchate sur son téléphone parle aussi. Il ne leur jette même pas un œil. On entend le bruit des stylos, grattant les tables à travers les copies, qui s’ajoutent à leurs voix. On entend aussi leurs pieds qui frappent le sol. On entend en plus leurs doigts, leurs trousses, leurs habits. On aurait préféré suffoquer, plutôt que de souffrir comme ça. Je pense faire une crise d’angoisse. Mon cœur se met à battre vite, et ma respiration fait pareil. Mes camarades me regardent tous un par un. On me croit folle ; je l’entends. Je reprends mon souffle et oublie leurs voix tant bien que mal. Je dois rêver… Non. Il faut que j’écrive… J’oublie ainsi ma copie pour une feuille de brouillon où je décris ma détresse.

​           Je parviens plus ou moins à me calmer après l’heure d’histoire. À la cantine, je mange seule, pensive. Je fais un bilan de ma courte vie. Je me sens très ridicule mais j’en ai besoin : j’ai perdu papa, j’en veux à ma mère, ma vie bascule, on déménage, la seule personne à qui j’ai donné ma confiance est finalement comme les élèves du précédent lycée et d’ici. Je ne sais même plus quel est mon but dans la vie. Je ne veux plus regarder mon téléphone : les snaps et les storys des gens ne me rappellent que des cauchemars. Cela me coupe l’appétit, je me contente d’un yaourt et je vais m’isoler autre part.

​           Plus tard, pendant une pause, alors que je suis au CDI, je fouille dans mon sac afin de sortir un stylo. Je découvre cependant ma feuille de brouillon que j’avais laissée par terre, en boule, à l’évaluation. Je relis ce que j’ai écrit mais je vois au verso quelque chose qui ne viens pas de moi : « Tu n’es pas seule ». La panique m’envahit ! Je suis effrayée ! Quel fou pourrait répondre à une feuille de brouillon abandonnée dans une salle de devoir sur table ? Je me tranquillise en soufflant quelques secondes. J’entends de nouveau les voix des élèves alors qu’ils ne m’adressent même pas la parole, mais cette fois, c’est un petit peu moins sourd : « Des fous partout dans ce lycée… Le BAC, ça détruit le moral de tout le monde… On peut pas travailler tranquillement ici… ». Je me questionne deux secondes mais je préfère me concentrer sur la réponse plutôt que sur ce qu’ils racontent. Je finis après quelques minutes par reconnaître l’écriture du destinateur. C’est Morgan, la fille la plus discrète de la classe. J’ai de la chance qu’elle soit à côté de moi en cours d’anglais, je l’ai reconnue grâce à cela.

​           Le jour suivant, après avoir évité ma mère avec succès, j’arrive au lycée sans trop de problèmes. En entrant en salle de classe, je ne prête pas attention à tous les bruits ; je veux conserver mon humeur. En effet, ils sont plus fort que la veille. Je m’assois comme prévu à ma place, à côté de Morgan, cette fille discrète au style unique. Elle a les cheveux qui sont blancs avec une tenue simple aux couleurs extravagantes. D’où est ce que ce style vient ? Elle m’intrigue alors davantage. Le professeur entame son cours mais je n’y prête pas attention. Je chuchote à Morgan que je sais que c’est elle qui m’a répondu. Elle dit alors assez ouvertement :

​           – Oui, j’ai senti que tu as besoin de soutien Léana. Tu parais tellement triste et dérangée… T’avais dit que l’ambiance du lycée, et même de cette ville te dérange. T’es si belle, te laisse pas abattre par ça.

​           – Merci c’est gentil. Tu pourrais me dire pourquoi t’avais écrit « Tu n’es pas seule » ?

​           – Je t’en parlerai plus tard, me sourit-elle.

​           Le professeur nous interrompt d’un regard.

​           Je devine que je me suis fais une nouvelle amie, une vraie ! Elle aussi qui était seule avant notre rencontre me parle de plus en plus souvent. Nous mangeons ensemble, sortons ensemble, révisons ensemble tout le trimestre. On se connaît de plus en plus et elle me fait redécouvrir quelque chose de nouveau : le bonheur ! Je la considère comme une vraie sœur. Et puis finalement, un après-midi, pendant les grandes vacances, on marche au bord du fleuve et elle m’avoue des choses qu’elle ne m’a jamais dites :

​           – Tu te souviens quand on s’est parlées pour la première fois il y a deux mois ? Je t’avais écris « Tu n’es pas seule » sur la feuille. Eh bien moi aussi j’entends tout ça.

​           – Attends mais…, je réponds, sceptique.

​           – Oui, oui Léana. Tu ne peux pas entendre mes pensées mais moi, j’ai su lire en toi. Je voulais te dire que tu sais tout… Tu sais que ton père t’a ramenée dans cet hôpital, que ta mère n’y est pour rien et que je ne suis pas « elle » mais « il ». Je suis désolé de te sortir cela de cette manière. Il fallait le faire un jour où l’autre. Use de ce pouvoir pour faire seulement le bien, d’accord ?

​           -… Et je crois savoir pourquoi j’entends tout cela, je réalise d’un ton calme après un silence. Donc tu es un garçon ?

​           – Oui, j’ai changé de lycée spécialement pour tout recommencer.

​           – Stop, je grogne d’un coup. Tu m’as trompée Morgan ! N’en dis pas plus.

​           – Je suis désolé, je…, commence-t-il avant que je ne le coupe.

– J’ai besoin d’être seule.

​           Je ne sens plus rien de mon corps à cet instant… Je suis perdue dans une rage folle… Rouge, je vois rouge. La chaleur est telle que ma tête peut exploser à tout moment. Les muscles de mes bras se contractent irrégulièrement, je pourrais pulvériser la prochaine personne qui passe devant moi.

​           Je décide de me calmer et d’aller manger quelque chose afin de replacer mes idées en tête. J’entends alors de nouveau leurs voix. Seulement, je peux les entendre maintenant quand je le veux. Je me demande alors ce que je pourrais faire de bien avec ce pouvoir, mais je m’arrête. Je me souviens que ça fait cinq mois que j’évite maman. Je devrais aller m’excuser.

​           – Maman ! Je cris en entrant à la maison. Maman !

​           En passant dans le couloir d’entrée, une odeur désagréable envahit mon nez. Qu’est ce que c’est ? J’atteins la salle à manger et je découvre maman avec deux bouteilles de vin à la main et deux bouteilles d’alcool vides par terre. Comment en est-on arrivé là ? Il est vrai qu’elle doit se sentir très seule depuis qu’on s’est éloignée. Je jette les bouteilles par la fenêtre entre ouverte et regarde maman sceptique :

​           – Maman, plus jamais je veux te voir avec ça !

​           – Léana, pour qui tu te prends ?

​           Je lui fais un câlin et je m’excuse de toutes les manières possibles, les larmes aux yeux. Je lui demande pourquoi elle ne m’a jamais rien dit. Elle me répond que c’est pour me protéger et elle me promet que tout ira bien.

​           Le soir-même, je m’allonge tranquillement dans mon lit et m’apaise. La dépression est peut-être finalement terminée. Puis je pense à Morgan qui essaie de recommencer une nouvelle vie… mais… je l’ai rejeté cet après midi. Qu’est-ce qu’il pourrait bien faire ce soir ? À quoi pense-t-il ? Est-il en sécurité ? M’en veut-il ? Puis soudainement, j’entends pour la première fois ses pensées :

​           – Tu m’entends finalement…

​           Je me lève d’un coup et regarde à travers la fenêtre. Je vois d’abord le soleil se coucher puis dans la rue d’en bas, Morgan. Morgan qui me regarde.

​           – Je t’aime tu sais, continue-t-il. Mais tu ne veux pas de moi… J’ai déjà essayé de me recréer une nouvelle vie. Ces deux-là ne me réussissent pas. J’ai su te guider vers un avenir plus joyeux mais ça ne me convient pas. Je vais m’essayer à une troisième… Je t’aime Léana.

​           Je me trouble. Que veut-il dire ? Je prends d’un coup mes chaussures et cours à toute vitesse vers la rue, alors que je suis en pyjama. Le soleil n’est plus. La nuit s’installe. C’est sûrement une blague pour que je le rejoigne… Finalement, je me demande pourquoi es-ce que je suis dehors. Je me souviens d’un nom, de plus en plus flou, puis qui m’échappe totalement. Est-ce mon imagination ? Qui est ce Mo… Mor… Mo… Mhh… euh ?

FIN

 

(Par Mayssah et Leïla)

Un cri strident m’a réveillée. Mon coeur bat la chamade. Une goutte de sueur

coule le long de mon échine. Je panique et balaie la pièce du regard. D’où vient

ce bruit ?

Je bondis hors de mon lit et me précipite vers la porte de ma chambre.

Toujours plongée dans le noir, j’entends des pas au dessus de ma tête, sachant

que l’appartement du haut est inhabité. Je fonce dans la chambre de mes parents,

mais ils ne sont plus là. Apeurée, je les cherche dans toutes les pièces. Je suis

seule.

Toujours vêtue de mon pyjama, je sors, c’est encore la nuit. La rue est déserte

et seuls quelques lampadaires fonctionnent. Je cherche la voiture de mes parents

sur le parking. Je ne la vois pas. Après m’être calmée, je prends mon courage à

deux mains et décide de retourner dans mon immeuble pour explorer

l’appartement du dessus. Je monte les escaliers à toute allure. La porte est

entrouverte.

J’avance à petits pas et arrive a distinguer deux corps dont un corps féminin

en position de faiblesse. Je comprends de suite que c’est un viol ! Avant de me

faire remarquer, je quitte l’appartement, sachant que si l’homme m’aperçoit je

serai sa prochaine victime. Je me précipite chez moi pour trouver mon

téléphone, mais en arrivant sur le seuil de ma porte un petit papier jaune attire

mon attention, je me baisse pour le ramasser et constate que c’est un message

qui m’est adressé.

« Ma petite Sarah,

Si tu souhaite un jour retrouver tes parents, rends-toi à l’adresse : 13 avenue

Edouard Douglas. TIC TAC chaque minute qui s’écoule, une goutte de sang de

tes parents coule, la balle est dans ton camp.

PS : Viens seule. L.-P. »

L.-P.…, Logan…P…, Logan Peters, le frère de Milla ! Mais qu’est-ce qu’il me

veut, ce chien ? Je n’ai pas le temps de chercher le pourquoi du comment, la vie

de mes parents est en danger, je me rappelle ce que mon père m’a dit : s’il y a un

problème, il faut que je prenne la boîte sous le lit. J’ouvre la boite et aperçois un

neuf millimètres. Je le prends et le mets dans l’élastique de mon sous-vêtement.

Mais sans plus attendre je quitte l’immeuble. Connaissant l’adresse, je dévale la

rue à toute allure. Si je me souviens bien, c’est à quelques pâtés de maisons de

chez moi, dans un entrepôt abandonné. Après dix minutes de courses je finis par

arriver à l’adresse donné par ce putain de psycho ! J’entre par la porte principale

sans réfléchir mais bizarrement personne n’y est. Je sens une présence dans mon

dos, mais je ne me retourne pas, par peur de tomber sur Logan. Une poigne

ferme attrape mes cheveux et me dirige vers une autre pièce. J’essaye de me

débattre du mieux que je peux mais c’est peine perdue, sans compter sur

l’homme qui me tient qui me projette au centre de ce qui me semble être une

chambre vu la présence d’un lit. Quand je me retourne pour enfin faire face à

mon agresseur, je constate qu’il n’est pas seul et qu’il tient une femme en larmes

par son bras. Elle ne met pas longtemps à être projetée de la même manière que

moi quelques secondes plus tôt. Il quitte la pièce, n’oubliant pas de fermer la

porte à double verrou, la femme qui se tient près de moi est très, très peu vêtue

comme si elle… avait été… violée ? Et puis merde, je viens de comprendre ! Le

gars qui nous a emmenés ici n’est autre que celui que j’ai vu en train de violer

une femme et la personne à côté de moi EST la femme en question !

La matière froide qui effleure la peau de ma hanche me rappelle que j’ai un

moyen de défense, je le saisis immédiatement pour être prête au cas où Logan

ou le violeur débarque. Comme je l’avais prévu, des bruits de clés se font

entendre à travers la porte et quelques secondes plus tard Logan est là, debout, à

me faire face avec un sourire sadique qui déforme ses lèvres. « Qu’est ce qu’il

est beau ! » me souffle ma conscience que je fais taire immédiatement. Il

s’approche de moi, laissant entrer deux hommes qui tiennent mes parents

ligotés. Pris d’une soudaine panique, je pose mon arme sur la tempe du

porte à double verrou, la femme qui se tient près de moi est très, très peu vêtue

comme si elle… avait été… violée ? Et puis merde, je viens de comprendre ! Le

gars qui nous a emmenés ici n’est autre que celui que j’ai vu en train de violer

une femme et la personne à côté de moi EST la femme en question !

La matière froide qui effleure la peau de ma hanche me rappelle que j’ai un

moyen de défense, je le saisis immédiatement pour être prête au cas où Logan

ou le violeur débarque. Comme je l’avais prévu, des bruits de clés se font

entendre à travers la porte et quelques secondes plus tard Logan est là, debout, à

me faire face avec un sourire sadique qui déforme ses lèvres. « Qu’est ce qu’il

est beau ! » me souffle ma conscience que je fais taire immédiatement. Il

s’approche de moi, laissant entrer deux hommes qui tiennent mes parents

ligotés. Pris d’une soudaine panique, je pose mon arme sur la tempe du

kidnappeur. M’attendant à ce qu’il panique, je suis surprise de le voir sourire

mais cette fois l’air moqueur. Sans que je comprenne pourquoi il pointe du doigt

mes parents et il me dit :

« Ma chère petite Sarah, tue-moi si tu veux, mais sache que tes parents y

passeront aussi ».

Je vois les deux gars qui tiennent mes parents avec un couteau sous la gorge.

Je baisse les yeux sur ma mère, des larmes coulent le long de ses joues et le bout

de tissu qui se trouve dans sa bouche empêche ses sanglots de s’échapper. A

côté, mon père semble plus serein malgré des lueurs de terreur qui traversent son

regard sombre, habituellement joyeux. À ce moment-là une haine profonde

m’envahit mais sans avoir le temps de réagir, je me sens plaquée au sol,

démunie de mon arme, le pied de Logan me tenant fermement au sol.

« Pourquoi ? Pourquoi est-ce que tu fais ça ? Je lui demande

-Je veux briser ta famille, comme tu l’as fait avec la mienne.

-Mais de quoi tu parles ?

-Milla ne te rappelle rien ?

-Si… mais elle est morte et je ne vois pas le rapport.

-Ma soeur a mis fin à ses jours à cause de toi et ta bande de copines ! et tu sais

pourquoi ? parce que vous la harceliez et qu’elle ne l’a pas supporté.

-… MAIS QU’EST-CE QUE J’EN AI A FOU… »

BANG ! Puis, trou noir.

Je me réveille en sursaut, prise de panique, mon premier réflexe est d’appeler

Milla. Après m’être assurée que tout ça n’était qu’un mauvais rêve, je me

rallonge sur mon lit et regarde le plafond d’un air pensive.

FIN

 

A quel moment j’ai arrêté de vivre (par Nor et Juliana)

Un cri strident m’a réveillée. Mon coeur bat la chamade. Une goutte de sueur

froide coule le long de mon échine. Je panique et balaie la pièce du regard.

Mais d’où vient ce bruit ?

Je bondis hors de mon lit et me précipite vers la porte de ma chambre.

Toujours plongée dans le noir, j’entends des pas au dessus de ma tête, sachant

que l’appartement du haut est inhabité. Je fonce dans la chambre de mes

parents, mais ils ne sont plus là. Apeurée, je les cherche dans toutes les pièces.

Je suis seule.

Toujours vêtue de mon pyjama, je sors, c’est encore la nuit. La rue est déserte

et seuls quelques lampadaires fonctionnent. Je cherche la voiture de mes parents

sur le parking. Je ne la vois pas. Après m’être calmée, je prends mon courage à

deux mains et décide de retourner dans mon immeuble pour explorer

l’appartement du dessus. Je monte les escaliers à toute allure. La porte est

entrouverte…

Je ferme le livre que je tenais entre mes mains, déçue du déroulement de

l’histoire et du caractère du personnage principal. C’est une vraie trouillarde, elle

panique pour des bruits de pas, alors je ne sais même pas comment elle réagirait

si elle vivait à ma place. À dix-sept ans, je ne sais pas ce que veut dire le mot

« peur», vous me direz que c’est normal sachant que je vis dans un endroit pas

très sûr, et moi je vous répondrai que vous n’avez pas tort. Car oui, quand on vit

dans les quartiers du Bronx, où notre mode de vie se résume au danger, à la

drogue, au sexe, aux meurtres et bien sûr à l’argent, des bruits de pas ou des

parents disparus ne sont pas des éléments qui font « peur ».

Je me lève du vieux canapé sur lequel je lisais et regarde les alentours : trois

de mes amis – Kendal, Parker, Ashelbi – et moi vivons dans cet endroit sale et

abandonné. Seul un vieil entrepôt nous sert de toit, une vieille armoire pour

ranger le peu d’affaires que nous avons, deux lits à travers lesquels on voit les

ressorts du matelas, un canapé dont Dieu seul sait ce qui s’est passé dessus et

pour finir une minuscule salle de bain. Ayant perdu tous les quatre nos parents

suite à un conflit de « cité » – comme certains aiment à l’appeler – nous vivons

ensemble et nous nous considérons comme une famille. Je vous vois venir avec

votre pitié, mais je vous préviens, j’en ai absolument rien à foutre de ce que

vous appelez la compassion et la peine, je n’ai pas le temps pour ça. Je me dirige

vers la salle de bain pour me rincer le visage. Arrivée dans celle-ci je regarde

mon reflet sur le miroir, je veux dire à travers ce qui en reste. Ma peau mate

affirme mes origines mexicaines, mes yeux noirs que les gens qualifient

d’intenses sont aussi sombres que les ténèbres, mes cheveux noirs aux boucles

indéfinies retombent parfaitement sur mes épaules. Je scrute ainsi mon visage

durant de longues minutes et finit par croiser mon regard sombre, je ferme les

yeux et j’essaye d’oublier ce que je vis en ce moment, et je m’imagine dans une

autre vie, où la sécurité, l’amour et la paix m’entourent.

Quand je les rouvre, je ne suis plus dans la vieille pièce dans laquelle j’étais,

je suis face à un grand miroir propre et je peux voir qu’une douche à l’italienne

se trouve derrière moi. Quand je quitte la pièce pour savoir où je me trouve, je

suis d’autant plus étonnée de voir la personne qui me fait face, c’est…ma mère ?

Mais elle n’est pas censée être morte ? Elle me dit de descendre et de prendre

rapidement mon petit-déjeuner pour ne pas arriver en retard au lycée. Quoi ?

Mais attendez, depuis quand je vais au lycée, moi ? Je descends et constate avec

étonnement que mon père aussi est présent, mais aussi que je vis dans une

maison incroyable, et quand je sors, je me retrouve dans une rue normale sans

trafiquant, sans odeur de drogues, sans que des personnes se battent, juste une

rue normale avec des gens normaux. Ça change vraiment de ma vraie vie et je

vous mentirais si je disais que cela ne me plaît pas. J’entends quelqu’un

m’appeler au loin mais quand je me retourne il n’y a personne… Mais la voix se

fait plus forte et c’est là que je reconnaîs la voix de mon meilleur ami.

J’ouvre les yeux et cette fois, je me retrouve dans mon vrai chez-moi, sans

parent, sans douche à l’italienne, seulement moi et mon meilleur ami, Ashelbi,

qui a fait son apparition à mes côtés.

– Sara ! dépêche-toi ! ils sont revenus, ils ne vont pas tarder à débarquer !

Sans me laisser le temps de riposter, il quitte la pièce, me laissant seule. Je

vérifie si j’ai toujours mon arme à feu derrière mon jean. Les enfoirés sont de

retour. Ils vont vouloir leur argent qu’on n’a pas. Un de mes amis, Parker

consomme de l’herbe et de fortes drogues et suite à de nombreux achats qu’il n’a

pas payés, la dette a commencé à prendre de l’ampleur et nous devons les payer

depuis deux semaines mais nous n’avons pas ce qu’ils attendent. Alors on essaye

de les fuir comme la peste, mais ils nous ont retrouvés. Voilà le monde dans

lequel je vis.

Des coups de feu se font entendre et j’entends également mes amis me

prévenir qu’ils sont à quelques mètres de notre cachette. C’est bon, on est

foutus, mais ce n’est pas le moment de faire sa pédale, alors je sors de cette salle

de bain et rejoins mon meilleur ami qui est derrière le canapé à attendre le bon

moment pour tirer. Nos ennemis ne se font pas attendre et débarquent comme

des furies. D’après ce que j’ai pu constater en les écoutant entrer, ils doivent être

tout au plus une bonne quinzaine d’hommes armés. Comment vous dire qu’on

est dans la merde ? On n’a pas d’issue, on doit les affronter, peu importe ce que

nous vaudra cet affrontement. Nous devons le faire pour prouver à nos parents

que nous ne sommes pas des petites natures.

Des balles volent dans les airs, certaines s’enfoncent dans le canapé qui nous

sert de bouclier à moi et à Ashelbi. Je sens une main chaude entourer la mienne,

je me retourne et vois Ashelbi me sourire sincèrement. Je déteste ce genre de

moment, ça ressemble à des adieux. Et comme je l’ai prédit, il se lève, faisant

face à quinze hommes et tire comme un fou. Je ne perds pas de temps à le

rejoindre. Suite à nos tirs, plusieurs hommes tombent au sol sans vie, mes deux

autres amis se trouvent à quelques mètres de nous et eux aussi tirent sans

relâche, cette vision m’arrache un sourire malgré la situation, on est tous les

quatre soudés, à la vie à la mort. Je suis fière de notre amitié indestructible.

Pensant que nous étions proches de la victoire, je suis étonnée de voir une

autre dizaine d’hommes entrer et malheureusement pour nous, nos armes sont

déchargées. Les hommes qui se tiennent en face de nous nous tirent dessus.

Kendal et Parker sont tués en un quart de seconde sous mes yeux, d’une balle en

pleine tête. Tout se passe très vite, je crie toute ma douleur à cette vision

horrible, deux personnes des plus importantes de ma vie viennent de mourir sous

mes yeux. Je suis tellement détruite que je ne vois pas quand Ashelbi reçoit une

balle à l’épaule, puis à la cuisse, et je ne fais pas attention aussi quand une balle

percute mon ventre. Mes amis sont morts et je me sens mourir aussi. Je pose ma

main sur ma zone abdominale et constate sans surprise que cette dernière est

pleine d’un liquide rouge. Ma tête tombe au sol, mes yeux toujours posés sur les

cadavres de mes amis et ma main enveloppant celle du seul ami qui me reste.

Mes yeux se ferment peu à peu, laissant place à un trou noir. Voilà le monde

dans lequel je vis.

Quand j’ouvre les yeux, je suis cette fois devant une bâtisse qui peut faire

penser à un lycée. J’avance doucement mais je sens une présence dans mon dos

alors je me retourne et vois Parker, Kendal et Ashelbi qui me sourient et qui

marchent en ma direction. Sans que je comprenne quoi que ce soit ils me font

avancer au sein du lycée dans lequel des centaines de personnes se trouvent,

toutes aussi normales les unes que les autres, qui ne te regardent pas mal, qui ne

crachent pas au sol, qui ne te font pas de menaces ou qui ne te sifflent pas quand

tu passes, non, seulement des personnes normales qui agissent normalement.

Puis je me vois rouvrir les yeux, cette fois dans ce qui semble être chez moi, à

table, en compagnie de mes trois amis et de mes parents, tous souriants et

partageant un dîner joyeux en sécurité et sans gang à notre poursuite pour une

question de thunes. Je revis enfin…

Mais quand je reçois de l’eau sur le visage, la réalité me ratrappe rapidement,

j’ouvre les yeux et j’essaye de les habituer à la lumière aveuglante. En face de

moi se trouve mon seul ami vivant ligoté à une chaise, ce qui est mon cas

également, et un homme à ma droite se tient debout en train de jouer avec son

gun. Ils nous regarde à tour de rôle, puis finit par poser la fameuse question qui

est, bien sûr, est-ce que nous avons son pognon, mais Ashelbi et moi restons

silencieux à nous regarder et attendre la suite. Comprenant notre réponse

indirecte, l’homme grogne et sort une autre arme de son pantalon et il pointe ses

deux armes sur mon meilleur ami et moi. Sachant que notre fin est proche, je

souris à celui qui me fait face tandis que j’arrive à lire sur ses lèvres un « je

t’aime ». J’ai à peine le temps de lui répondre que moi aussi, que deux coups de

feu retentissent, laissant seulement des corps sans vie…

« Se sentir mourir est une chose mais se VOIR mourir en est une autre et c’est

souvent pendant les adieux que nous sommes enfin heureux en entendant une

chose qu’on attendait depuis toujours…».

FIN

 

(par Elena et Perrine)

Il commence à faire sombre, le vent souffle dans les arbres. À ma gauche

des enfants jouent sur les balançoires, leurs cris m’apaisent. Comme tous les

jours à la même heure je m’assois sur ce même banc pour les observer. Un

ballon roule jusqu’à mes pieds, un petit garçon s’approche pour le récupérer :

« Tu es la maman de qui ? Demande-t-il.

– Et toi, qui est ta maman ?

Le petit garçon se retourne et me la montre du doigt :

– Elle est là-bas.

Je jette un coup d’oeil dans la direction indiquée et je ne comprends pas

pourquoi elle a l’air inquiète. Pour ne pas reproduire ce qui s’est déjà passé je lui

dis de s’en aller. Je décide d’en faire autant et de rentrer chez moi. Il est l’heure

pour moi de rejoindre Zack et Lila. Je commence par leur demander comment

s’est passée leur journée sans vraiment écouter ce qu’ils me répondent. Une fois

arrivé à la maison Zack me demande quand le dîner sera prêt. Pendant que je le

prépare, ils vont s’affaler sur le canapé, et attrapent la télécommande :

– Mettez les infos, s’il vous plaît, pendant que je m’occupe du repas.

J’entends le présentateur annoncer une alerte enlèvement, deux enfant ont

été enlevés, il s’agit d’une petite fille de sept ans et de son jeune frère de cinq

ans, elle a de longs cheveux blonds bouclés, des yeux marrons, elle porte une

jupe verte et un t-shirt blanc. Lui est blond aux yeux bleus avec une tache de

naissance dans le cou, il porte un jogging Spider-Man. Je cours vers la télé et

l’éteins.

– Le repas est prêt !

Une fois la vaisselle faite, je leur dis d’aller se brosser les dents et d’aller

au lit.

Zack et Lila sont enfin couchés. Simon n’est toujours pas rentré.

Je suis épuisée, sans raison apparente, j’ai passé une journée plutôt

tranquille. Je décide d’aller dormir, moi aussi.

Dans mon lit, les minutes passent et je ne parviens pas à trouver le

sommeil.

Je suis prise de sueurs froides, mes yeux refusent de se fermer.

Les visages des enfants disparus ne quittent pas mes pensées, leurs joues

rebondies, leurs cheveux brillants, leur air malicieux…

Prise d’un frisson, je me lève et descends au salon.

Il y a quelqu’un. Une grande silhouette s’assoit sur le sol dans la pénombre.

J’avance prudemment vers l’interrupteur. La lumière m’éblouit puis je

reconnais Simon, assis en tailleur sur le parquet.

« C’est à cette heure-là que tu rentres ? Où étais-tu ? », chuchoté-je.

Il ne répond pas, il me regarde, le regard vide.

Je m’approche de lui, et une odeur d’alcool assaillit mes narines.

« J’ai la réponse à ma question… » marmonné-je en faisant la moue.

Je décide d’ignorer Simon et j’allume la télévision. La même alerte

enlèvement, avec les mêmes enfants et le même numéro de téléphone.

J’ai déjà vu ces enfants quelque part. Le pantalon Spider-man du petit

garçon, les yeux de la petite fille… Je les ai déjà vus.

Un sentiment d’inquiétude me prend. Impossible de me rappeler le jour, le

lieu ni même les circonstances dans lesquelles j’ai aperçu ces enfants.

Simon s’assoit lourdement dans le canapé. Il jette un oeil à la télévision, qui

diffuse toujours le message d’alerte. Soudain, il se met à rire, d’un rire franc et

léger. Il rit longtemps, si fort qu’il en a les larmes aux yeux.

Je le regarde, dégoûtée. Je ne connais plus cet homme. Comment peut-il

s’esclaffer à la vue d’enfants en danger, alors qu’il prenait tant soin de nos

propres enfants quelques années plus tôt ? Comment peut-il rire aux larmes

devant un écran de télévision, alors qu’il ne m’accorde plus un seul sourire ?

Il aperçoit le regard noir que je lui jette et essuie le coin de ses yeux.

« On peut même plus rigoler… Arrête de t’inquiéter, personne ne nous a

vus… » clame t-il en se levant énergiquement, comme revigoré par son fou rire.

Il se dirige d’un pas traînant vers la cuisine, en chantonnant, sans doute dans

l’espoir d’y trouver de quoi oublier l’échec qu’il est.

Cet idiot dit vraiment n’importe quoi quand il est saoûl. Avec lui dans cet

état, je suis certaine de ne pas m’endormir… Je me retourne donc vers la

télévision, qui diffuse maintenant un documentaire sur les oiseaux. La chanson

de Simon s’arrête enfin.

La maison est si calme. Dehors, la pluie commence à tomber, faiblement,

tandis que des oiseaux à mille couleurs sifflent un chant d’été.

Dans un cabanon. Une odeur de poussière. Des cris. Des cheveux blonds.

Des sanglots. Un reflet. Des cordes. Tout est flou. Seul un épais liquide écarlate

est parfaitement net.

J’éprouve une étrange fascination pour ce liquide. Je ne parviens pas à le

quitter des yeux. Il est d’un rouge si profond, si pur.

Soudain, la porte du cabanon s’entrouvre. La lumière inonde la petite pièce.

A nouveau, des cris et des pleurs.

Quelqu’un entre. C’est Simon et il a une charge sur l’épaule. Il la pose sans

ménagement. C’est la petite fille disparue, à présent inerte sur le plancher moisi

du cabanon.

Je me réveille en sursaut. Soudainement, je me mets à pleurer sans pouvoir m’arrêter.

Ces enfants me suivent jusque dans mes rêves et je n’arrive pas à

comprendre pourquoi. Celui là était affreux et tellement réaliste…

« Maman ? Ça va ? »

Zack et Lila se sont réveillés et ils n’ont pas très bien choisi leur moment.

Je sèche mes larmes et je les emmène prendre le petit déjeuner dans la

cuisine.

Simon y est assis, toujours sur le sol, le regard toujours vide et l’haleine

encore plus alcoolisée que la veille. Quand je le vois, j’envoie les enfants dans le

salon manger devant la télévision. Je le regarde durement pendant de longues

minutes et il réagit enfin.

« Tu n’as pas l’air en forme…

– Ce n’est pas comme si tu te souciais de ma santé.

– De quoi tu as rêvé cette fois-ci ? Demande-t-il.

– Je n’ai pas rêvé, mens-je.

– Ça fait dix ans qu’on est mariés, je commence à te connaître. »

J’hésite à lui raconter mon rêve. Je ne lui fais pas confiance mais cela me

ferait du bien.

« Le garçon disparu. J’étais avec lui dans une cabane et… il y avait du sang

partout. Tu es ensuite arrivé avec la petite fille sur ton épaule, elle était

inconsciente. Je ne sais pas pourquoi j’ai rêvé de ça mais je n’arrête pas de

penser à ces enfants… », lâché-je.

Simon me regarde longuement.

Je n’arrive pas à déchiffrer son expression. Il est très calme et il sourit

légèrement.

«Tu as encore peur que quelqu’un les trouve ? » dit-il.

Un silence s’installe. Je suis très mal à l’aise et Simon commence à me

faire peur.

« De quoi parles-tu ? » lui dis-je en déglutissant.

Il lève les yeux au ciel et baille.

« Ton rêve t’a plu, n’est ce pas ? Tu as aimé voir tout ce sang. Tu as

toujours aimé ça. »

Je suis anéantie par ses propos. Je déteste l’admettre, mais il a raison.

J’avais les yeux rivés sur le sang du garçon, si brillant et fluide. L’odeur qui

régnait dans la cabane m’apaisait.

J’acquiesce difficilement. Il me sourit sincèrement, pour la première fois depuis

des semaines.

« Oui, tu as aimé ce rêve. Tu as rêvé de tuer ces enfants car tu as aimé le

faire. Tu as aimé leurs larmes, leur sang. Tu as aimé voir la panique sur leurs

visages dodus. Mais par dessus tout, tu as aimé voir la vie quitter leurs yeux. Je

le sais car moi aussi, j’ai aimé le faire. »

FIN

Obsession enfantine (par Elsa et Romane)

Il commence à faire sombre, le vent souffle dans les arbres. À ma gauche des

enfants jouent sur les balançoires, leurs cris m’apaisent. Comme tous les jours à

la même heure je m’assois sur ce même banc pour les observer. Un ballon roule

jusqu’à mes pieds, un petit garçon s’approche pour le récupérer :

– Tu es la maman de qui ? Demande-t-il.

– Et toi, qui est ta maman ?

Le petit garçon se retourne et me la montre du doigt :

– Elle est là-bas.

Je jette un coup d’oeil dans la direction indiquée et je ne comprends pas

pourquoi elle a l’air inquiète. Pour ne pas reproduire ce qui s’est déjà passé je lui

dis de s’en aller. Je décide d’en faire autant et de rentrer chez moi. Il est l’heure

pour moi de rejoindre Zack et Lila. Je commence par leur demander comment

s’est passée leur journée sans vraiment écouter ce qu’ils me répondent. Une fois

arrivé, à la maison Zack me demande quand le dîner sera prêt. Pendant que je le

prépare, ils vont s’affaler sur le canapé et attrapent la télécommande :

– Mettez les infos, s’il vous plaît, pendant que je prépare le repas.

J’entends le présentateur annoncer une alerte enlèvement, deux enfants ont été

enlevés, il s’agit d’une petite fille de sept ans et de son jeune frère de cinq ans,

elle a de longs cheveux blonds bouclés, des yeux marrons, elle porte une jupe

verte et un tee-shirt blanc. Lui est blond aux yeux bleus avec une tache de

naissance dans le cou, il porte un jogging Spider-Man. Je cours vers la télé et

l’éteins.

– Le repas est prêt !

Une fois la vaisselle faite, je leur dis d’aller se brosser les dents et d’aller au

lit. Je les borde et me rend dans ma chambre. Le lendemain, j’emmène Lila et

Zack au même parc que la veille. Sur le chemin, je croise une petite fille qui

agrippe la poussette que tient son père. Ce dernier a un regard fermé et

antipathique alors qu’elle, elle me sourit. Des fossettes lui creusent les joues et

accentuent ses nombreuses taches de rousseurs qui font son charme et sa

malice. Ses cheveux roux tombent en cascade dans son dos et amènent mon

regard sur son pantalon violet et son manteau rose. Elle porte un poupon dans

ses bras qui me rappelle celui de mon enfance. Lorsqu’ils s’éloignent, je

continue à la fixer du regard et je remarque qu’ils communiquent en langue des

signes, je comprends alors qu’elle est sourde ou muette ou peut-être même les

deux. Zack et Lila voyant que mon esprit était ailleurs se sont permis de faire

des grimaces aux passants et surtout aux enfants, ce qui a le don de m’énerver. Je

les gronde, ils n’auraient jamais dû faire ça. Je suis vraiment en colère contre

eux. Je pars et les laisse là, les regards autour de moi me persécutent mais je n’y

suis pour rien, après tout je les aime quand même.

Me voilà sur le banc du parc, comme hier à la même heure, au même endroit,

à ma gauche ces balançoires tiennent toujours compagnie à ces enfants

souriants, pleins de joie de vivre. Un bébé se met à pleurer dans le landau juste à

côté de moi, comment est-il arrivé ici ? Où est sa mère ? Je regarde autour de

moi, personne n’est là pour lui. Je me penche vers lui, il est à croquer, ses petites

mains fermées, son petit bonnet sur sa petite tête, les traits de son visage qui se

forment quand il pleure, un vrai petit ange. Je le prend dans mes bras, il est tout

frêle et ses pleurs cessent instantanément. La couverture qui l’emmaillotait

tombe au sol. Le petit garçon d’hier, arrive vers moi et la ramasse.

– Tiens madame ! C’est ton bébé ? Me demande t-il.

– Merci, mon grand. Oui, c’est mon bébé, il est beau n’est-ce pas ?

– Oh oui ! C’est quoi son nom ?

Voyant sa mère au loin me dévisager, je lui dis qu’il devrait y aller et il évitera

de me causer des problèmes. Tout le monde me regarde, pourquoi ? Je n’ai rien

fait ! Regardez ailleurs ! Je prends le bébé et cours sans raison jusque chez moi.

Je rentre rapidement et ferme ma porte avec tous les verrous. Mes yeux se

posent sur le bébé que j’ai dans les bras. « Tout va bien se passer maintenant ».

Ce bébé est une merveille, ses rires résonnent dans ma tête, me réveiller la

nuit avec ses pleurs est une douce mélodie, je l’aime tellement, je l’ai appelé

Gaël. Tous les jours nous allons au parc voir les enfants, quelquefois à la

supérette du coin car je veux que personne ne kidnappe mon enfant. À chaque

sortie que l’on fait, les gens nous regardent bizarrement alors que je suis bel et

bien normale. J’ai revu la petite fille rousse ; cette fois elle était vêtue d’une

simple robe violette, je pense que sa couleur préférée est le violet. Elle souriait,

elle était heureuse malgré son handicap. Par contre, quelque chose était différent

mais je ne saurais dire quoi, comme si elle était imaginaire, c’est drôle n’est-ce

pas ?

Alors que je m’apprête à quitter le parc pour rentrer chez moi, une vieille

femme m’aborde :

– Bonsoir, excusez-moi de vous déranger, est ce que je peux m’asseoir à côté

de vous ?

– Oui, bien sûr, j’allais partir…

– Vous ne voudriez pas restez avec moi ?, me demande t-elle avec une voix

suppliante

– Non, désolée mais mon fils va prendre froid.

– C’est étrange mais il ne vous ressemble en aucun point.

– C’est normal, il ressemble à son père.

– Je ne l’ai jamais vu avec vous alors que je viens aussi souvent que vous au

parc…

– Vous m’espionnez ?!

– Non, en aucun cas, je ne fais qu’observer…

– Très bien, alors, n’observez plus !

– Je suis désolée de vous avoir mise mal à l’aise, ce n’était pas mon intention.

Prise de furie, je me lève et pars en abandonnant la poussette dans laquelle se

trouve mon petit trésor puis je cours, aussi loin que mes jambes me le

permettent. La vieille femme crie mon nom à travers le parc alors que je ne le lui

ai jamais donné, ce qui m’immobilise, me pétrifie de peur. Je me retourne et elle

n’est plus là. La poussette aussi n’est plus. Après cet étrange incident, je rentre

chez moi et allume la télévision pour me divertir. Mais, ce que je vois ne me

rappelle que des souvenirs du passé que je tente d’oublier depuis vingt longues

années. La présentatrice des actualités évoque un sujet sensible :

« Le jeune Emmanuel, disparu il y tout juste vingt-trois ans, a été retrouvé…

»

Un sursaut d’espoir fait vibrer mon coeur, serait-ce lui ? Se pourrait-il qu’il soit

vivant ? Pourrais-je le revoir un jour ?

« En effet, les enquêteurs viennent de nous communiquer que le corps du petit

garçon était enfoui dans une forêt de la région parisienne. Selon eux, l’enfant a

été kidnappé il y a vingt trois ans à son domicile, puis séquestré. Les enquêteurs

ont retrouvé des plaies pouvant signifier que le petit garçon a été poignardé puis

laissé pour mort. Nous avons pu parler à sa tante qui était très proche de lui :

« Je me souviens qu’il avait un visage des plus innocents et il était tout pour moi,

j’enviais follement ma soeur qui avait eu la chance d’avoir trois enfants

formidables ».

Mon esprit semble se détacher de mon corps mais on m’assène le coup de

grâce lorsqu’une photo s’affiche sur l’écran, je n’ose pas y croire, c’est lui…

La photo qui est présentée nous montre tous les deux dans le parc en train de

jouer au ballon. Je n’ose pas le regarder dans les yeux, quelque chose me déchire

et m’anéantit, l’espoir qui me faisait vivre depuis vingt-trois ans part en fumée et

ne me donne plus aucune raison de rester…

Tous les enfants que j’ai pu voir dans ma vie avaient un air familier, Zack

avait les yeux de mon cousin et son air rieur, Lila ressemblait à ma grande soeur,

la petite fille rousse me rappelait la fille de ma voisine, mon bébé Gaël avait le

même visage que mon petit frère et le petit garçon du parc que j’avais nommé

instinctivement Emmanuel qui maintenant s’est envolé…

Le monde autour de moi s’effondre, toute ma vie n’était qu’imaginaire, l’enfant

du parc, la vieille femme, le bébé, Zack et Lila, ils n’étaient que des souvenirs

lointains… Je suis devenue folle, plus personne ne peut me retenir, je n’ai plus

aucune raison de rester dans ce monde, dans ce corps, avec cet esprit qui

m’empoissonne et la vie qui ne fait que me tourmenter.

Minis Incollables

Je peux enfin vous parler de mes Minis Incollables, à paraître aux éditions PlayBac, et que j’ai pris tant de plaisir à créer.

Avec chaque jour une leçon, un conseil, une info insolite, un exercice, une astuce… Le tout disponible du CP au CM2.2019 mini365 incos CP.jpg2019 mini365 incos CE2.png

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